09.12.2019

Genève, 09.12.2019 – Discours d’ouverture du Conseiller fédéral Ignazio Cassis lors de la 33e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge - Seul le texte prononcé fait foi

Orateur: Chef du Département, Ignazio Cassis

Vos Altesses,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission permanente, George Weber
Monsieur le Président du Comité international de la Croix-Rouge, Peter Maurer
Monsieur le Président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Francesco Rocca
Excellences,
Mesdames et Messieurs les représentants des gouvernements et des Sociétés nationales,
Signore e signori

1. Les bénévoles, l’essence du Mouvement

Je souhaite tout d’abord vous exprimer ma reconnaissance pour l’immense travail que vous accomplissez. J’ai la plus haute estime pour les plus de 17 millions de volontaires qui sont et font le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Votre réseau est global tout en étant profondément enraciné dans les réalités locales. Il repose sur des principes solides et son impact positif est planétaire. Je suis médecin, et très souvent j’ai eu l’occasion de voir à l’œuvre les bénévoles de la Croix Rouge Tessinoise, mon Canton d’origine, tout comme ceux de la Croix Rouge suisse.

Dans les hôpitaux, au chevet des malades chroniques comme dans l’urgence médicale, des centaines de personnes exécutent un travail discret et précieux, en soutenant le personnel soignant. Ils vivent et démontrent le principe d’humanité.

Dans tous les voyages que j’ai entrepris en tant que Ministre des affaires étrangères, j’ai rencontré tant de représentants du Mouvement, partout présents en première ligne : du Proche à l’Extrême Orient, dans les Amériques comme en Afrique et dans le Pacifique.

L’écrivain Grégoire Lacroix disait : « La vraie générosité est celle du temps bien plus que celle de l'argent ». C’est pourquoi je veux dire ici merci à tous les représentants du Mouvement, merci pour votre temps et votre générosité, qui retentissent à travers le monde entier.

2. Les origines du multilatéralisme humanitaire

Cette année nous avons célébré ici à Genève les 100 ans du multilatéralisme moderne, mais le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est encore plus ancien que la plupart des organisations internationales.

Henry Dunant, dans son livre « un souvenir de Solferino », publié en 1862, pose déjà les bases du mouvement humanitaire. Il nous raconte que « Pendant les huit premiers jours après la bataille, les blessés dont les médecins disaient : « Il n'y a plus rien à faire ! » ne recevaient plus de soins, et mouraient délaissés et abandonnés ». Plus loin, il constate : « on ne s'affecte plus devant les mille tableaux de cette tragédie, on passe avec indifférence devant les cadavres défigurés ».

Cela, nous ne voulons plus le revivre. Aujourd’hui, plus que jamais, le Mouvement doit de façon unique contribuer à préserver la dignité et les droits de toutes les personnes.

3. Le renforcement du droit international humanitaire

Mesdames, Messieurs,

Le respect et le renforcement du droit international humanitaire sont des éléments essentiels de la politique étrangère suisse. Il y a 150 ans, c’est à l’invitation du Conseil fédéral suisse – c’est le nom de notre Gouvernement - que s’est réunie la Conférence diplomatique qui a débouché sur l’adoption de la première Convention de Genève. Cet instrument a marqué la naissance d’une relation particulière entre la Suisse et le Mouvement.

Les Conventions de Genève, dont nous célébrons les 70 ans cette année, constituent le fondement du droit international humanitaire, avec leurs protocoles additionnels de 1977 et 2005, dont la Suisse est l’Etat dépositaire.

Au nom de la Suisse, je saisis cette occasion pour encourager les États qui ne l'ont pas encore fait à ratifier les Protocoles additionnels, à reconnaître la compétence de la Commission internationale humanitaire d'établissement des faits (créée en vertu de l'article 90 du Protocole additionnel I), ainsi qu’à établir des commissions nationales du droit humanitaire.

Universellement ratifiées, les Conventions de Genève constituent l'une des plus grandes réussites du multilatéralisme. Chaque jour, elles sauvent des vies et contribuent à prévenir et à réduire les souffrances dans les conflits armés ; elles sont un véritable instrument de paix. Cependant, les violations du droit humanitaire persistent ; elles entraînent des conséquences humanitaires inacceptables.

Il nous faut dès lors sans cesse rappeler l’importance des Conventions de Genève et des principes humanitaires. Plus encore, il nous faut les mettre en œuvre. N’hésitons pas à chercher le dialogue entre nous, relevons ensemble les défis que nous rencontrons, et trouvons des solutions pragmatiques communes.

Ces trois prochains jours nous offrent à tous - aux membres du Mouvement tout comme aux États participants - l’occasion unique d'y œuvrer ensemble. À cet égard, le projet de résolution relatif au droit humanitaire présenté par les organisateurs de cette conférence constitue une réelle opportunité de faire progresser la mise en œuvre du droit humanitaire, au niveau national en premier lieu.

Nous encourageons ainsi les Etats à rédiger des rapports volontaires sur l’état de la mise en œuvre nationale du droit humanitaire. J'ai personnellement décidé que la Suisse publiera l’année prochaine son premier rapport volontaire sur cette mise en oeuvre. Pour cela nous soutenons également tout échange (volontaire et informel) entre États au niveau des experts, pour améliorer la mise en œuvre du droit humanitaire.

Permettez-moi à présent de dire quelques mots sur le processus intergouvernemental relatif au renforcement du respect du droit international humanitaire. La Suisse et le CICR ont mené celui-ci depuis la 32ème Conférence internationale. Les discussions ont essentiellement porté sur la question d’un possible dialogue formel entre les Etats sur le droit international humanitaire. Il est devenu évident à la fin de l'année passée qu'un consensus à cet égard ne serait pas atteint en raison de l'environnement multilatéral actuel. Ce processus est désormais clos, comme l’indique clairement le rapport factuel qui a été soumis à cette Conférence.

Malgré cette absence de consensus, le travail effectué a eu un impact important. Tous les Etats ont réaffirmé que le droit humanitaire demeure le cadre juridique international approprié pour réglementer le comportement des parties à un conflit armé.

4. Les nouvelles technologies et l’humanitaire

Mesdames et Messieurs,

Le développement technologique nous ouvre de nouvelles possibilités. Il nous permet – s’il est utilisé à bon escient – de faire plus et mieux en soutien aux personnes victimes de conflits et de catastrophes.

Chaque année par exemple, des centaines de milliers de personnes disparaissent. Comment imaginer les souffrances de leurs proches, les espoirs brisés? Récemment j’ai visité le Comité des personnes disparues à Chypre. Grâce aux travaux conjoints d’experts gréco-chypriotes et turco-chypriotes, 939 personnes disparues ont pu être identifiées. Elles ont été retournées auprès de leurs familles afin de recevoir une sépulture digne. Mais le destin de milliers d’autres femmes, hommes et enfants doit être élucidé, non seulement à Chypre mais dans les Balkans, au Sri Lanka, en Papouasie- Nouvelle Guinée, pour ne citer que ceux-ci.

La numérisation accroît la probabilité de retrouver la trace de ces personnes, comme le démontre « Trace the face – Southern Africa », une initiative du CICR qui permet aux familles de retrouver leurs proches par le biais d’une plateforme internet.

Cela dit, toute technologie nouvelle comporte également des risques. Les données récoltées sur les personnes concernées sont très sensibles. Nous devons profiter de l’énorme potentiel des nouvelles technologies tout en minimisant les risques qu’elles comportent. La 33e Conférence nous offre un espace pour établir les standards nécessaires, en particulier à travers le projet de résolution sur le rétablissement des liens familiaux, la vie privée et la protection des données personnelles.

La Suisse aussi veut préciser sa position quant aux nouvelles technologies. J’ai, pour cette raison, chargé un groupe d’expertes et d'experts de produire une « Vision de la politique étrangère de la Suisse à l’horizon 2028 ». Les nouvelles technologies constitueront dorénavant une part intégrante de notre politique étrangère, y compris dans le contexte de la Genève internationale.

A l’aide d’un groupe d’experts, une réflexion a également été menée sur l’innovation au sein de la Genève internationale, en particulier sur le concept de « science-diplomacy », autrement dit l’articulation entre science et diplomatie. Le langage scientifique permet de dépasser les idéologies et désamorcer des situations politiquement explosives. La diplomatie scientifique est créatrice d’effets de levier, au-delà du soft power classique. La fondation GESDA – the Geneva Science-Diplomacy Anticipator – a été mise sur pied à cet effet. Je suis persuadé que ce nouvel acteur de la Genève internationale contribuera à la réflexion sur les défis internationaux que nous posent les nouvelles technologies, y compris dans le domaine humanitaire. J pense p.ex. à l'utilisation des drônes pour la planification et la gestion des camps de réfugés ainsi qu'à la sécurité alimentaire.

Mesdames, Messieurs,

Aujourd’hui, le Jet d’eau, emblématique de Genève, est illuminé en rouge; c’est un signe fort. La Suisse, le Canton et la Ville de Genève célèbrent avec nous tous l’ouverture de cette 33ème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Henry Dunant disait « Seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde y parviennent ». Avec sa vision, ses actions et sa persévérance, Dunant a marqué son époque ; il l’a transformée. Partageons avec lui ce grain de folie, soyons innovants, courageux et persévérants, au sein du Mouvement, partout et en tout temps.

Je vous remercie de votre attention et de votre présence en Suisse !


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