Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et des Cultes
Mesdames, Messieurs les Ministres
Mesdames et Messieurs les membres du Corps Diplomatiques
Mesdames et Messieurs les membres du Corps Consulaires
Mesdames et Messieurs les élus, Sénateurs Députés, Mairesses, Maires, Casec
Mesdames et Messieurs Directeurs Généraux des services de l’Etat
Mesdames et Messieurs les membres de la presse
Chers compatriotes
Distingués invités, chers amis
Nous sommes réunis ce soir pour célébrer le 727ème anniversaire de la création de la Confédération Suisse, le 1er août qui pour la première fois depuis quatre ans en Haïti est effectivement organisé le 1er août. Un clin d’œil à la République du Bénin avec qui nous partageons la même date de nos fêtes Nationales.
Cette soirée c’est aussi la célébration des 10 ans de l’Ambassade de Suisse en Haïti. Nous sommes bien jeunes, direz-vous, avec des géniteurs bien vieux de plus de 727 ans. Je ne suis pas sûr que cela soit très encourageant quoiqu’avec les progrès de la médecine c’est pour demain. Nous avons voulu pour cette occasion mettre en avant les Haïtiennes et les Haïtiens qui sont partenaires de nos programmes de développement, paysannes, paysans, artisanes, artisans, ouvrières, ouvriers, mairesses, maires, casec ; ceux qui œuvrent à rendre Haïti vivable par leur travail quotidien. Nous mettons en avant les gens d’ici, « Moun Isit », parce que dans le contexte actuel bouleversé nous devons nous rappeler que la construction d’un Etat doit d’abord s’appuyer sur les gens d’ici alors que beaucoup pensent encore qu’ils sont en dehors. Et je me permets de le dire car après avoir arpenter les mornes de ce beau pays, je me considère peut-être comme un étranger du dedans.
Cette campagne de communication vient d’un grand besoin de dire et de mettre en lumière ceux qui n’ont pas ou peu d’identité qui ne sont pas reconnus et qui pourtant constitue la majorité de ce pays et aussi la cheville ouvrière, qui se battent chacun à leur niveau, à leur endroit, pour garder la tête droite et affronter les dures réalités du pays. Ceux qui donnent l’envie de travailler et de construire ensemble un autre avenir.
La Suisse en partenariat avec certains ministères a fait le choix de ces gens-là, dans ces périphéries-là de ce pays ; à la vallée de Jacmel, à Bainet, à Roche-à-Bateau, à Port-à-Piment, à Tiburon, à Dame-Marie, à Beaumont et d’autres lieux encore. Nous avons fait ce choix ensemble car nous sommes convaincus que c’est le local qui constitue les racines d’un pays.
A ce jour le processus de décentralisation n’avance que lentement en dépit des efforts consentis de part et d’autre, pourtant les potentialités sont là ; les mairies avec leur Conseils municipaux, les sociétés civiles locales, existent même avec très peu de moyens car l’économie locale n’existe presque plus. Les collectivités territoriales ne bénéficient que peu de ressources externes pour remplir adéquatement leur rôle constitutionnel, mais avec les moyens du bord, elles parviennent à penser, à la limite de leur possibilité, le vivre ensemble et le développement.
Nous aurons lancé six nouveaux programmes en 2018, à savoir un programme de Gouvernance locale pour les collectivités et les sociétés civiles, un programme eau potable et assainissement en partenariat direct avec les communes et la DINEPA, un programme avec les organisations paysannes pour moderniser l’exploitation familiale paysanne, un programme de formation professionnelle sur le tas pour les ouvrières et ouvriers, un programme de reconstruction de l’habitat social, un programme de gestion et prévention des catastrophes et, enfin et je l’espère à terme, un nouveau programme culture avec un axe fort décentralisation et formation.
Ce travail initié par l’ambassade et les acteurs haïtiens est précurseur, il peut contribuer à donner du sens aux nouvelles orientations politiques dans la grave crise actuelle que connait le pays.
Le pays peut, s’il le veut s’engouffrer dans cette opportunité de changement profond du système actuel : réparer, c’est le risque de mettre des emplâtres sur une jambe de bois, « se lave men siye atè », comme dit le proverbe haïtien. Mais refonder, c’est la chance de renaître autrement et de sortir du marasme actuel. Pour ce faire, les Haïtiennes et les Haïtiens, doivent prendre l’initiative de se parler, dire la vérité, de concerter, par l’entremise d’un dialogue franc, aux regards croisés, sans langue de bois où tous les sujets seront abordés avec assiduité et sérénité, y compris ceux qui fâchent et ceux qui, aujourd’hui encore sont considérés comme tabous. C’est la potion, même amère, que doit absorber le malade au risque de voir son état empirer.
La question est de savoir quelle démocratie pour le pays et quelles sont les politiques publiques qui doivent être mises en place pour changer la donne à un premier niveau ; et à un second niveau il s’agit de définir un corpus de stratégies devant systématiser dans une logique de résultats un énorme travail de sensibilisation sur les problèmes actuels. S’il n’y a pas du langage derrière et des acteurs qui font, on va vers un mur.
Je suis aussi en train de dire que l’état de nos connaissances sur Haïti touche les premiers concernés, les gens d’ici dont je parlais tout à l’heure. Je suis en train de dire qu’il y va de notre responsabilité à tous d’ouvrir les yeux de la population, de tous, sur les pourquoi de la situation peu reluisante qui sévit aujourd’hui dans le pays. Il ne s’agira pas de s’empêtrer dans la culture de l’excuse facile, le « ce n’est pas moi, je ne suis donc pas responsable ». Il s’agira au contraire de permettre aux gens d’ici d’avoir des lanternes historiques pour comprendre l’état d’Haïti. Le mal existe, certes, depuis le temps de la colonie, mais il semble avoir laissé des séquelles profondes dans le temps de la souveraineté. Et si rien n’est fait, le risque existe de ne pouvoir conjuguer qu’au passé les moments glorieux. Et si ce risque attire encore du monde, sachez qu’il en convainc de moins en moins.
Et c’est au lieu de naissance de ces raisons qu’il faut interpeller les élites de ce pays, plus que jamais, qui ont un rôle décisif à jouer dans la conjoncture actuelle. Historiquement l’aide internationale n’a développé aucun Etat. Les ONGs n’ont développé jusque-là aucun Etat. Ces institutions d’aide sont des structures d’accompagnement qui doivent agir sous le leadership d’un Etat visionnaire. Il n’y aura efficacité de l’aide, comme je l’ai dit tantôt, que s’il y a efficacité de l’action publique. Car le développement durable passe par là. En l’absence de cette disposition, ça partira toujours dans tous les sens et comme aurait dit Délira de Jacques Roumain avec une coulée de poussière entre ses doigts : « nous mourrons tous ».
Alors il y a le local avec ses énergies et sa débrouillardise, qui constitue un levier important, peu considéré des politiques publiques mais qui demeure un véritable potentiel pour refonder le système par le bas. Il y a pléthore de tête bien faite ici à Port-au-Prince comme dans le reste du Pays et qui je suis sûr sauront se fédérer pour nourrir une refondation, pour s’inventer un avenir autre que Miami, Montréal ou Boston. Ayez l’ambition du village haïtien !
Maintenant mes chers compatriotes, petite communauté suisse en Haïti d’environ 150 membres, vous êtes les ambassadeurs de nos valeurs et de nos cultures. La Suisse s’est construite par la base, les communes, modèle issu d’une histoire pas réplicable mais qui donne cette sensibilité à la présence du local. Chères Suissesses, chers Suisses, vous êtes au front de notre rapport à l’autre et de la nécessaire altération quand on vit loin de son pays. Vous êtes les pionniers de nos métissages et la Suisse vous en est reconnaissante.
(Salutations et remerciements d’usage)
Merci à toutes et à tous.
Pour l’avenir d’Haïti, marchons unis !